Quand les grandes surfaces
jouent avec la vérité

Décryptage d'une stratégie commerciale controversée

Sommaire

Dans l’univers du commerce de détail, les grandes surfaces jouent un rôle central dans la vie quotidienne des consommateurs. Leur présence omniprésente et leur capacité à offrir une gamme variée de produits à des prix attractifs en font des acteurs incontournables. Cependant, derrière cette façade séduisante se cache une réalité moins reluisante : celle des publicités mensongères. Ces pratiques, souvent dissimulées sous des slogans accrocheurs et des offres alléchantes, soulèvent des questions éthiques et légales, tout en impactant la confiance des consommateurs.

Les publicités mensongères ne sont pas un simple accident de parcours dans le marketing des grandes surfaces. Elles constituent, bien souvent, une stratégie délibérée visant à attirer le consommateur dans un environnement ultra-compétitif. Dans un secteur où la guerre des prix fait rage, les enseignes cherchent à se démarquer en promettant des offres exceptionnelles, parfois trop belles pour être vraies.

Une stratégie commerciale délibérée

Cette stratégie s’appuie sur plusieurs techniques de manipulation. La plus courante est celle du prix barré : un produit est présenté avec un prix initial gonflé, suivi d’une réduction qui semble conséquente. En réalité, le prix barré n’a jamais été pratiqué, ou alors pour une période très courte, ne reflétant pas la véritable valeur de l’économie réalisée par le consommateur. Selon une étude de l’Institut national de la consommation, environ 30 % des réductions affichées dans les grandes surfaces seraient fallacieuses, induisant les clients en erreur.

Une autre méthode fréquente est celle des « promotions exceptionnelles ». Ici, les grandes surfaces mettent en avant des produits à prix cassés pour attirer le chaland. Toutefois, ces produits sont souvent en quantité très limitée, voire inexistants au moment de l’achat, créant ainsi une frustration chez les consommateurs qui, une fois sur place, se voient proposer des alternatives moins avantageuses. Cette pratique, appelée « appât et substitution », est largement utilisée, bien qu’elle soit illégale selon le Code de la consommation français.

Ici une publicité récurrente qui affiche fièrement un prix incroyable pour un jambon à l’os qui est en fait un jambon composé de plusieurs pièces de viande collées au transglutaminase et compactées dans un moule pour faire croire à un jambon complet. 

Qu'est-ce que la transglutaminase ?

La transglutaminase est une enzyme naturellement présente dans les tissus animaux et végétaux. Son rôle biologique principal est de catalyser la formation de liaisons covalentes entre les protéines, un processus qui modifie la texture et la structure des aliments. Dans l’industrie alimentaire, elle est généralement produite à partir de cultures bactériennes, ce qui permet de l’utiliser à grande échelle pour diverses applications.

L’enzyme agit en reliant deux types spécifiques de résidus d’acides aminés (la lysine et la glutamine), créant des ponts entre les molécules de protéines. Ce processus peut renforcer la structure des aliments en leur conférant une texture plus ferme et plus cohésive. C’est cette propriété qui lui vaut le surnom de « colle à viande », bien qu’elle soit utilisée dans une variété d’autres produits alimentaires.

Applications dans l’industrie alimentaire

L’application la plus connue de la transglutaminase est dans la production de viandes reconstituées. L’enzyme permet de lier ensemble de petits morceaux de viande pour former un produit final qui ressemble à une coupe entière. Cette technique est particulièrement utilisée pour valoriser des morceaux de viande autrement peu attrayants ou pour créer des produits aux formes spécifiques. Par exemple, des morceaux de filet de bœuf peuvent être assemblés pour former une « nouvelle » pièce de viande, qui sera vendue comme un steak.

Cependant, son utilisation ne se limite pas aux viandes. La transglutaminase est aussi employée dans la production de produits laitiers, comme les yaourts et les fromages, pour améliorer la texture. Elle peut également être utilisée dans la fabrication de produits à base de poisson, où elle permet de lier les morceaux de poisson pour former des filets ou des bouchées de poisson uniformes.

L’enzyme est aussi utilisée pour développer des produits sans gluten. Dans le cas des pâtes sans gluten, la transglutaminase améliore l’élasticité de la pâte, compensant l’absence du gluten, ce qui donne un produit final avec une texture plus proche de celle des pâtes traditionnelles.

Controverses et préoccupations

L’utilisation de la transglutaminase soulève des questions éthiques et de sécurité. L’une des principales préoccupations concerne la transparence : les produits contenant de la transglutaminase ne sont pas toujours clairement étiquetés, ce qui peut induire les consommateurs en erreur quant à la nature réelle des aliments qu’ils achètent. Par exemple, un consommateur pourrait croire acheter un morceau de viande entier, alors qu’il s’agit en réalité de morceaux liés entre eux par l’enzyme.

D’autre part, la sécurité de la transglutaminase pour la santé humaine a fait l’objet de débats. Certains craignent que les protéines modifiées par l’enzyme puissent être moins digestibles, ou qu’elles puissent provoquer des réactions immunitaires. Cependant, les autorités sanitaires, comme l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et la Food and Drug Administration (FDA) aux États-Unis, ont conclu que l’enzyme est sûre pour la consommation humaine lorsqu’elle est utilisée conformément aux bonnes pratiques de fabrication.

Néanmoins, il est important de noter que certaines personnes, en particulier celles ayant des sensibilités alimentaires, peuvent être plus susceptibles de réagir à des aliments contenant de la transglutaminase. Les personnes souffrant de maladies auto-immunes, comme la maladie cœliaque, ou celles ayant des allergies alimentaires doivent faire preuve de prudence, bien que les preuves scientifiques d’un risque accru pour ces populations restent limitées.

 

Face à ces pratiques, la législation a tenté de mettre en place des garde-fous.

 

En Belgique, nous avons le Jury d’éthique publicitaire qui déclare :
Nous sommes l’organe d’autodiscipline indépendant de la publicité en Belgique. Nous croyons en une publicité honnête, véridique et socialement responsable à laquelle les consommateurs font confiance. Notre mission: Le JEP s’assure que le contenu des messages publicitaires est conforme aux règles de l’éthique publicitaire sur la base de la législation et des codes d’autorégulation par le biais d’un Jury représentatif indépendant.

En France, la loi sur la consommation, renforcée par la loi Hamon de 2014, encadre strictement les publicités mensongères. Elle impose notamment aux enseignes de garantir la véracité des informations diffusées et de respecter les offres promotionnelles annoncées. Les sanctions prévues peuvent aller jusqu’à des amendes conséquentes, voire des peines de prison pour les récidivistes.

Cependant, malgré ce cadre législatif, les abus restent fréquents. Les sanctions, bien que dissuasives sur le papier, sont rarement appliquées à la hauteur des infractions constatées. Les grandes surfaces préfèrent souvent risquer une amende plutôt que de renoncer à une campagne publicitaire agressive, jugée plus rentable à long terme. De plus, la complexité des procédures judiciaires et le manque de transparence dans les pratiques commerciales rendent difficile la poursuite des enseignes fautives.

Les consommateurs, de leur côté, se retrouvent souvent démunis face à ces pratiques. Les recours existent, notamment via les associations de consommateurs comme UFC-Que Choisir (France) et Test Achat (Belgique), qui mènent régulièrement des actions de groupe contre les enseignes de grande distribution. Néanmoins, le processus est long et les résultats, souvent peu médiatisés, n’ont pas toujours l’impact escompté.

L'impact sur la confiance des consommateurs

Les conséquences des publicités mensongères vont bien au-delà des simples pertes financières pour les consommateurs. Elles affectent profondément la confiance que ces derniers accordent aux grandes surfaces, et par extension, au système de distribution dans son ensemble. Cette érosion de la confiance est particulièrement problématique dans un contexte où la transparence et l’éthique sont devenues des valeurs primordiales pour une partie croissante de la population.

Une enquête réalisée par l’Observatoire de la confiance des consommateurs en 2023 montre que 65 % des Français estiment que les publicités des grandes surfaces sont souvent trompeuses, et 48 % affirment avoir déjà été victimes de pratiques commerciales douteuses. Ce sentiment de méfiance pousse certains consommateurs à se tourner vers des circuits alternatifs, comme les circuits courts ou les commerces de proximité, perçus comme plus authentiques et respectueux du client.

Cependant, il serait illusoire de penser que la majorité des consommateurs va déserter les grandes surfaces. Leur pouvoir d’attraction reste fort, notamment en raison de la diversité de l’offre et de la compétitivité des prix. Ce paradoxe souligne l’ambiguïté du rapport des consommateurs à ces enseignes : ils en déplorent les pratiques, mais en dépendent souvent pour des raisons économiques ou pratiques.

Les grandes surfaces à l'heure du changement ?

Conscientes des critiques croissantes, certaines grandes surfaces ont amorcé une réflexion sur leurs pratiques publicitaires. Sous la pression des consommateurs et des régulateurs, elles cherchent à adopter des stratégies plus transparentes et à promouvoir des valeurs éthiques. Certaines enseignes ont ainsi mis en place des chartes de bonne conduite, s’engageant à ne plus recourir à des prix fictifs ou à des promotions trompeuses.

Toutefois, ces engagements volontaires suscitent scepticisme et interrogations. Pour beaucoup, il s’agit davantage d’une opération de communication que d’une réelle volonté de changement. Les résultats sont pour l’instant mitigés, et les grandes surfaces restent régulièrement épinglées par les associations de consommateurs pour des pratiques douteuses.

Dans un marché aussi concurrentiel que celui de la grande distribution, le défi est de taille. Renoncer aux publicités agressives et aux pratiques borderline pourrait signifier perdre du terrain face à des concurrents moins scrupuleux. Pourtant, c’est peut-être le prix à payer pour restaurer une confiance durable avec les consommateurs et répondre aux exigences d’un marché en mutation, où l’éthique et la transparence ne sont plus des options, mais des impératifs.

Le saviez-vous ?

Le concept de « publicité mensongère » ne se limite pas aux grandes surfaces. Il trouve ses racines dans l’histoire de la publicité elle-même. Dès le XIXe siècle, les annonceurs ont utilisé des techniques trompeuses pour vendre leurs produits, des élixirs miracles aux machines agricoles révolutionnaires. En France, la première loi contre la publicité mensongère date de 1905, sous l’impulsion du mouvement hygiéniste, qui cherchait à protéger les consommateurs contre les fausses promesses des fabricants de produits alimentaires et de santé.

Aujourd’hui, la publicité mensongère est un phénomène mondial. Dans les années 2000, l’affaire « Enron » aux États-Unis a révélé comment des entreprises pouvaient utiliser des publicités trompeuses non seulement pour vendre des produits, mais aussi pour manipuler la perception de leur santé financière. En Europe, le scandale du « Dieselgate » a montré que même des industries réputées, comme celle de l’automobile, n’hésitent pas à utiliser des pratiques publicitaires douteuses pour masquer la réalité.

Enfin, il est intéressant de noter que la publicité mensongère peut parfois se retourner contre ses auteurs. Avec l’émergence des réseaux sociaux, les consommateurs ont désormais la possibilité de partager massivement leurs mauvaises expériences, créant ainsi un effet de boule de neige qui peut rapidement ternir l’image d’une marque. Plusieurs grandes enseignes ont dû revoir leurs pratiques suite à des campagnes de dénonciation virales, prouvant que le pouvoir de la publicité n’est plus à sens unique.

Personnellement

Comme j’en ai eu marre de voir toujours ces publicités mensongères (il faut savoir que j’ai une personnalité très idéaliste qui déteste les injustices). J’ai déposé une plainte contre Intermarché sur les prix de base gonflés servants à la promo et ce faux jambon à l’os qui se trouve régulièrement dans les folders. Et bien … pas de suite.  C’est le pot de terre contre le pot de fer. 

Toutefois, si c’était un petit indépendant réalisait des folders publicitaires trompeurs, là, il aurait directement des soucis… 

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