
Lancé en 2015, le plan stratégique « Made in China 2025 » ambitionne de faire passer la Chine du statut d’atelier du monde à celui de puissance technologique majeure, notamment dans le secteur automobile. Loin d’être une simple déclaration d’intention, ce programme d’État incarne un changement de paradigme : les autorités chinoises n’entendent plus suivre les puissances industrielles occidentales, elles veulent les devancer. L’automobile, considérée comme un pilier stratégique, se trouve au cœur de cette ambition. Aujourd’hui, la Chine ne se contente plus d’assembler des véhicules : elle invente, produit et exporte des technologies de pointe, notamment dans les domaines des véhicules électriques, de la conduite autonome et des batteries.
Cette mutation ne s’improvise pas. Elle résulte d’un pilotage étatique minutieux, d’un contrôle rigoureux des chaînes d’approvisionnement, d’une maîtrise croissante des technologies clés et d’une volonté assumée de remodeler la géopolitique industrielle mondiale. Dans ce contexte, les constructeurs occidentaux doivent désormais composer avec une concurrence redoutable, souvent mieux armée technologiquement, plus agile, et largement soutenue par les mécanismes de l’État chinois.
En analysant les ressorts de ce bouleversement, vous comprendrez comment Pékin redéfinit, à sa manière, l’avenir de l’automobile mondiale.
Le plan « Made in China 2025 » s’inscrit dans une logique de planification centralisée héritée du maoïsme, mais adaptée aux réalités du capitalisme d’État contemporain. L’objectif est clair : atteindre l’autosuffisance technologique dans dix secteurs clés, dont l’automobile. Pour ce faire, le gouvernement chinois a mis en place une triple stratégie : soutien massif aux entreprises nationales, barrières techniques à l’entrée pour les acteurs étrangers, et standardisation accélérée des technologies émergentes.
Le ministère chinois de l’Industrie et des Technologies de l’Information (MIIT) joue un rôle central. Il sélectionne les entreprises stratégiques, leur attribue des subventions directes, facilite l’accès au crédit bancaire via les grandes banques d’État, et garantit leur position sur le marché intérieur grâce à des quotas d’achat public. Par exemple, dans le domaine des véhicules électriques (VE), plus de 60 % des subventions ont été dirigées vers des entreprises chinoises entre 2015 et 2020.
En parallèle, Pékin impose des normes technologiques strictes, souvent non compatibles avec les standards internationaux, ce qui désavantage les constructeurs étrangers et protège l’émergence d’un écosystème national. Ce modèle interventionniste, loin d’être freiné par les critiques internationales, s’intensifie encore avec les sanctions américaines et les tensions géopolitiques.
La révolution électrique constitue la clef de voûte de la nouvelle industrie automobile chinoise. Grâce à des investissements massifs et un contrôle strict de la filière, la Chine est aujourd’hui le premier producteur et le premier marché mondial de véhicules électriques. En 2024, plus de 60 % des VE vendus dans le monde ont été produits en Chine, selon les données de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Le géant BYD (Build Your Dreams), soutenu à l’origine par le gouvernement de Shenzhen, a même dépassé Tesla en termes de volumes de ventes au dernier trimestre de 2023.
Le succès repose en partie sur une chaîne d’approvisionnement intégrée, dominée par des groupes chinois. CATL (Contemporary Amperex Technology Co. Limited), leader mondial des batteries lithium-ion, alimente la majorité des constructeurs, y compris étrangers. La Chine contrôle également près de 70 % du raffinage mondial des terres rares, essentielles à la fabrication des batteries.
De surcroît, les autorités ont su créer une demande intérieure artificielle mais efficace, via des subventions à l’achat, des exemptions fiscales, des quotas de circulation réservés aux VE, et même des incitations à l’installation de bornes de recharge. Cette stratégie a permis une adoption rapide et massive du véhicule électrique en Chine, bien au-delà des grandes villes.
L’avenir de l’automobile se joue aussi dans le domaine du logiciel, de la connectivité et de l’intelligence artificielle (IA). Sur ce terrain, la Chine entend rattraper puis dépasser les géants américains. Plusieurs start-ups soutenues par des fonds publics, comme Pony.ai, AutoX ou Baidu Apollo, développent des systèmes de conduite autonome en partenariat avec des villes pilotes. Dès 2022, des taxis autonomes sans conducteur ont circulé à Pékin, Wuhan et Shenzhen dans le cadre de projets expérimentaux.
La stratégie chinoise diffère de celle de l’Occident. Là où les entreprises américaines adoptent une approche incrémentale et prudente, les autorités chinoises optent pour une mise en œuvre rapide et centralisée, notamment grâce à l’accès privilégié aux données massives issues de la surveillance urbaine. Ce capital informationnel colossal offre un avantage décisif dans l’entraînement des algorithmes d’IA.
En matière de législation, la Chine a devancé les pays occidentaux en autorisant, dans certains cas, la responsabilité algorithmique en cas d’accident, facilitant ainsi le déploiement des véhicules autonomes. Ce choix audacieux illustre l’engagement du gouvernement à favoriser l’innovation, même au prix d’un assouplissement des garanties individuelles.
Détecteurs de mouvements, caméra et conduite assistée voir conduite automatisée complète
Rétroviseur central numérique qui peut sur simple touche au volant afficher les passagers arrières .
(voir ce que les enfants font sans se retourner)
Des voitures intégrant de la technologie de pointe dont nous, Européens, ne sommes pas habitués.
L’une des évolutions les plus marquantes réside dans la capacité croissante des constructeurs chinois à s’imposer à l’international. Alors qu’ils étaient absents des marchés européens et américains il y a dix ans, plusieurs groupes chinois exportent désormais massivement vers plus de 80 pays. BYD, SAIC, Geely, Nio ou XPeng ouvrent des usines en Europe de l’Est, investissent dans des centres de R&D en Allemagne et signent des partenariats avec des distributeurs européens.
En 2023, la Chine a dépassé le Japon pour devenir le premier exportateur mondial de voitures, avec plus de 4,9 millions de véhicules vendus à l’étranger. Cette dynamique s’explique par une compétitivité prix imbattable, rendue possible par l’intégration verticale, l’accès privilégié aux matières premières, et un soutien logistique massif de l’État chinois.
Face à cette offensive, l’Union européenne envisage des mesures protectionnistes, allant de l’enquête sur les subventions chinoises à la taxation différenciée à l’entrée. Toutefois, la rapidité d’adaptation des groupes chinois et leur avance technologique rendent les marges de manœuvre européennes incertaines.
Saviez-vous qu’il existe de nombreuses marques inconnues chez nous.
Loin des projecteurs, la Chine expérimente déjà des voitures à hydrogène dans certaines provinces pilotes comme le Hebei, avec des modèles produits par SAIC Motor et Foton. Bien que moins médiatisée que la voiture électrique, cette technologie bénéficie également de crédits d’impôt, de subventions directes, et d’un plan national de déploiement qui prévoit plus de 50 000 stations d’ici 2030.
Autre fait peu connu : la Chine possède la plus grande flotte de véhicules connectés au monde, avec plus de 30 millions de voitures intégrées à des réseaux de données 5G en temps réel. Ces véhicules sont capables de recevoir des mises à jour logicielles à distance, de dialoguer avec les infrastructures routières, et même d’optimiser leur consommation énergétique en fonction de l’état du trafic et des conditions climatiques.
Enfin, la plupart des logiciels embarqués dans les véhicules chinois ne reposent pas sur des systèmes américains comme Android Auto ou Apple CarPlay, mais sur des systèmes nationaux souverains (HarmonyOS, AliOS), garantissant à Pékin une maîtrise totale de l’environnement numérique embarqué.
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